Les vrais alliés de l’Afrique sont à Kyiv, pas à Moscou
Le continent africain devient prioritaire dans la politique étrangère ukrainienne.
L’Ukraine est l’un des garants de la sécurité alimentaire dans cette région en net développement, et nos efforts diplomatiques portent déjà leurs fruits en changeant les paradigmes de la politique africaine. La position des pays africains lors du vote à l’Assemblée générale de l’ONU le confirme avec éloquence. Dans le même temps, l’Afrique reste un foyer d’affrontement géopolitique.
Les impérialistes russes veulent imposer leurs volontés aux pays africains et les utiliser pour leurs propres intérêts. Le sommet Russie-Afrique, prévu le 27-28 juillet, doit être considéré précisément comme la préparation de l’étau géopolitique dans lequel les Russes veulent enfermer les peuples d’Afrique.
En fait, ce forum vise à créer l’impression d’une percée dans l’isolement international de la Russie, à créer l’illusion d’un soutien au Kremlin par la soi-disant “majorité mondiale”, dont une partie importante est la population africaine de la planète. Et si la participation à ce spectacle étrange est encore relativement volontaire, les dirigeants africains devraient réfléchir au rôle qui leur est assigné.
En fait, il n’est pas dans l’intérêt de la majorité des peuples et des pays du monde d’être solidaires des aventures russes, mais leur intérêt est de préserver l’efficacité du droit international et de l’architecture de sécurité basée sur les documents et les institutions de l’ONU.
Des principes et des règles clairs protègent principalement ceux qui ne peuvent pas ou ne prévoient pas de se défendre avec des armes nucléaires ou des armes analogues meurtrières. A l’inverse, pour l’agresseur qu’est la Russie d’aujourd’hui, le droit international fait obstacle. Par conséquent, Moscou cherche non seulement à détruire l’Ukraine, mais aussi à discréditer les règles qui interdisent de le faire.
L’objectif global du Kremlin est de détruire l’ordre international et de remplacer la force de la loi par le droit de la force dans les relations entre les pays. C’est quelque chose qui menace les pays africains tout autant que l’Ukraine.
La lutte de la Russie contre l’architecture actuelle de la sécurité internationale provoque non seulement un retour à l’époque de la guerre de tous contre tous, mais menace aussi les programmes de développement durable, la lutte contre le changement climatique et le soutien international systématique aux sociétés vulnérables dans leur lutte contre la faim et la pauvreté.
La Russie s’est retirée de l’accord international sur les céréales, ce qui provoque la hausse des prix des produits agricoles et l’émergence d’une pénurie aiguë des denrées alimentaires qui étaient disponibles pour les pays africains. En raison de l’opposition russe, et en particulier du bombardement des infrastructures portuaires et des entrepôts de céréales ukrainiens, l’initiative caritative du président ukrainien “Grain from Ukraine”, financée par l’ONU, risque également d’être perturbée.
La Russie couvre invariablement sa lutte contre l’Occident (et, en fait, contre les principes de la coexistence civilisée dans le monde) d’une rhétorique anticoloniale héritée de l’Union soviétique.
Moscou espère probablement un aveuglement complet des pays africains que la Russie a choisis comme ses « pupilles ». A l’heure actuelle, il est déjà impossible de cacher certains faits flagrants: le Kremlin asservit des dizaines de peuples autochtones de la Fédération de Russie, en les privant notamment de leurs langues, de leurs droits et de leurs perspectives.
Les appétits coloniaux de la Russie ne se limitent pas du tout à son propre territoire, le plus grand du monde, ni à l’Ukraine voisine. Les tsars russes ont été en retard dans la redistribution du continent africain par les colonisateurs européens au XIXe siècle. Aujourd’hui, le régime de Poutine tente de rattraper le temps perdu et de s’emparer des ressources naturelles de l’Afrique.
La Russie utilise les mercenaires du PMC “Wagner” pour s’immiscer dans les affaires intérieures des pays du continent, mettant en œuvre des opérations de renversement de gouvernements légitimes (Mali, Burkina Faso). Au lieu de protéger ces nations, les “assistants” russes provoquent l’instabilité politique et ne font qu’exacerber les vieux problèmes des pays africains. Les activités des mercenaires russes attisent les flammes du séparatisme et de l’extrémisme religieux locaux.
Quel modèle politique la Russie peut-elle exporter en Afrique si elle est elle-même une dictature corrompue et agressive qui maintient sa propre population en sujétion par la répression et une propagande “zombie”? Moscou ne peut offrir à l’Afrique que corruption, mensonges, terreur et guerres.
Le Kremlin considère les pays de “l’Afrique noire” comme sous-développés, naturellement sujets aux atrocités et à la barbarie. Contrairement à l’Occident, la Russie ne veut pas, comme on dit, “implanter la démocratie”. Au lieu de cela, la Fédération de Russie est venue corrompre les élites locales et leur apprendre à maintenir leurs peuples dans l’anarchie.
Utilisant des méthodes de chantage et de corruption, Moscou tente d’obtenir les voix des pays africains à l’ONU. Ce sont des votes contre l’Ukraine et contre le droit international. Cependant, jusqu’à présent, la diplomatie russe n’a pas remporté les victoires souhaitées.
Au contraire, après deux tournées dans des pays africains du ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, et le début de la mise en œuvre d’une nouvelle stratégie d’interactions de l’Ukraine avec l’Afrique, la position de Kyiv à l’Assemblée Générale de l’ ONU. se renforce. Les pays africains soutiennent à plusieurs reprises les résolutions visant à rétablir le droit international. Et ces voix correspondent avant tout aux intérêts nationaux des pays africains eux-mêmes.
Lavrov peut participer à des rituels africains colorés autant qu’il le souhaite, mais cela ne nie pas le fait qu’il représente un pays profondément enraciné dans le racisme, la xénophobie et le chauvinisme. La véritable attitude de la Fédération de Russie envers les dirigeants africains a été démontrée lorsqu’elle a tiré des missiles sur Kyiv pendant le séjour d’une délégation africaine de maintien de la paix , le 16 juin de cette année.
L’Ukraine indépendante elle-même est le résultat d’une longue lutte anticoloniale, dont les jalons diffèrent peu des événements de la décolonisation africaine. Les Ukrainiens comprennent parfaitement les sentiments nationaux des peuples d’Afrique, qui ne tolèrent pas l’arrogance et l’hypocrisie. Nous sommes des alliés naturels dans la défense de la souveraineté et des principes du droit international, lesquels garantissent à tous la liberté et l’intégrité territoriale.
En effet, la croissance de l’intérêt de l’ Ukraine pour l’Afrique est principalement dictée par les défis de l’agression russe. Mais les intérêts mutuels des pays africains pour l’Ukraine peuvent leur apporter des avantages pratiques. L’Ukraine est extrêmement efficace pour trouver des alliés et un soutien pour repousser l’agression. Cette expérience est inestimable et mérite d’être imitée par ceux qui se trouvent dans une situation semblable.
Nous avons déjà parlé de l’intérêt commun d’assurer la sécurité alimentaire. Mais il peut y avoir beaucoup plus de domaines de coopération mutuellement bénéfiques : éducation, technologies, construction, énergie, etc.
Actuellement, l’Ukraine découvre l’Afrique par elle-même, mais cela n’est pas notre première expérience sur le continent africain. Après tout, de nombreux exemples positifs de coopération avec l’URSS (dont la nostalgie est parasitée par le régime de Vladimir Poutine) sont en fait des apports et des mérites ukrainiens. C’est juste que l’Ukraine à cette époque ne s’était pas encore débarrassée de la domination coloniale de Moscou, et donc son peuple, ses ressources et son travail au profit de l’amitié internationale sont passés sous la bannière “soviétique” (et donc “russe”). Le temps est venu pour l’Afrique de découvrir l’Ukraine d’une nouvelle manière.