RSF : L’industrie du simulacre met en danger la liberté de la presse
La 21e édition du Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF) révèle des évolutions majeures et parfois radicales, liées à une instabilité politique, sociale et technologique.
L’édition 2023 du Classement mondial de la liberté de la presse, qui évalue les conditions d’exercice du journalisme dans 180 pays et territoires, est publiée à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, le 3 mai. Il apparaît que la situation est “très grave” dans 31 pays, “difficile” dans 42 et “problématique” dans 55, alors qu’elle est “bonne” ou “plutôt bonne” dans 52 pays. Autrement dit, les conditions d’exercice du journalisme sont mauvaises dans 7 pays sur 10 et satisfaisantes dans seulement 3 pays sur 10.
L’Europe est la région du monde où les conditions d’exercice du journalisme sont les plus faciles, notamment au sein de l’Union européenne. La situation sur le continent est cependant mitigée. L’Allemagne (21e), qui enregistre un nombre record de violences et d’interpellations de journalistes sur son territoire, perd 5 places. La Pologne (57e), où l’année 2022 a été relativement calme sur le plan de la liberté de la presse, progresse de 9 places et la France (24e) en gagne 2. La Grèce (107e), où des journalistes ont été surveillés par les services secrets et par un logiciel espion puissant, garde sa dernière place dans l’UE. Le score de la région est aussi largement impacté par les mauvais résultats de l’Asie centrale. Plusieurs pays de la zone, le Kirghizistan (122e ; -50), le Kazakhstan (134e ; -12), et l'Ouzbékistan (137e ; -4) chutent en raison du nombre croissant d’attaques contre les médias. Enfin, le Turkménistan (176e), où la censure et la surveillance ont encore été renforcées après l’élection du fils du président sortant, Serdar Berdimoukhamedov, en mars 2022, fait toujours partie des cinq derniers pays en matière de liberté de la presse.
Les Amériques n’affichent désormais plus aucun pays en vert. Le Costa Rica (23e ; -15) qui était le dernier pays de la zone encore avec une « bonne » situation, a changé de catégorie après avoir perdu 5 points du fait d’une diminution très importante de son score politique (-15,68 points) et se positionne désormais derrière le Canada (15e ; +4). Le Mexique (128e), perd encore une place cette année et comptabilise le plus grand nombre de journalistes disparus au monde (28 en 20 ans). Cuba (172e), où la censure a repris de plus belle et où la presse est toujours un monopole d'État, reste comme en 2022, dernier de la zone.
Même si l’Afrique enregistre quelques hausses notables, comme celle du Botswana (65e) qui gagne 30 places, l’exercice du journalisme est globalement devenu plus difficile sur le continent où la situation est désormais qualifiée de « difficile » dans près de 40 % des pays (contre 33 % en 2022). C’est le cas notamment au Burkina Faso (58e), où des chaînes internationales ont été suspendues et des journalistes expulsés et plus généralement de la région du Sahel, qui est en train de devenir une « zone de non-information ». Le continent a été aussi endeuillé par plusieurs assassinats de journalistes, dont celui, récemment, de Martinez Zongo au Cameroun (138e). En Érythrée (174e), la presse reste soumise à l’arbitraire absolu du président Issaias Afeworki.
La région Asie-Pacifique abrite toujours parmi les pires régimes du monde pour les journalistes. La Birmanie (173e), deuxième prison du monde pour les journalistes depuis le coup d’État de la junte militaire, et l’Afghanistan (152e), où les conditions de travail des journalistes ne cessent de se détériorer et où les femmes journalistes ont été littéralement effacées de la vie publique, restent en queue de classement.
Dernière au classement régional, la région Maghreb - Moyen-Orient reste la plus dangereuse pour les journalistes : dans plus de la moitiée des pays de la zone, la situation est considérée comme “très grave”. Le score très bas de certains pays comme la Syrie (175e), le Yémen (168e), ou l’Irak (167e), est dû en particulier au nombre important de journalistes disparus ou pris en otage. Malgré une hausse de la Palestine (156e) qui gagne 14 places, l’indice sécuritaire de ce pays reste très dégradé, après la mort de deux nouveaux journalistes en 2022. L’Arabie saoudite (170e) s’ancre dans la queue du Classement. Au Maghreb, l’Algérie (136e) qui a confirmé sa dérive autoritaire en poursuivant notamment le patron de presse Ihsane El Kadi, perd 2 places et reste dans la catégorie des pays où la situation de la presse est considérée comme « difficile ».