RSF : Guerre en Ukraine : les journalistes risquent leur vie à chaque instant
Alors que l'offensive russe en Ukraine a débuté il y a moins de deux semaines, plusieurs équipes de médias en reportage ont déjà essuyé des tirs et quatre reporters ont été blessés par balles.
Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités russes et ukrainiennes de garantir – conformément à leurs obligations internationales – la sécurité des journalistes sur le terrain, ressort-il du communiqué publié sur le site de RSF.
Le 6 mars, des membres présumés d'un commando spécial russe ont tiré sur le photographe suisse Guillaume Briquet qui venait de passer un point de contrôle ukrainien sur une route vers Mykolaïv, dans le sud du pays, pour couvrir l'avancée des troupes russes dans la région. En dépit des nombreux sigles « presse » apposés sur sa voiture et son gilet pare-balles identifié « presse », ce reporter de guerre expérimenté a ensuite été harcelé par les soldats qui lui ont volé 3000 euros et du matériel de reportage.
« Comme cet incident l’illustre de manière flagrante, les reporters sur le terrain sont des cibles pour les belligérants, en dépit de toutes les règles protégeant les journalistes, s’alarme Jeanne Cavelier, la responsable du bureau Europe de l'Est et Asie centrale de RSF. Ce sont des civils, qui permettent au monde entier de rester informés sur l'évolution des combats. Ils doivent pouvoir travailler en toute sécurité. Nous demandons donc à toutes les parties prenantes du conflit de s'engager sans délai à protéger les journalistes sur le terrain, conformément au droit international. Nous recommandons par ailleurs aux journalistes la plus grande prudence au vu de la multiplication des attaques par des commandos russes envoyés en éclaireurs ».
« Ils étaient à moins de 50 mètres. Ils ont clairement tiré pour tuer, nous a confié Guillaume Briquet, blessé au visage et au bras par des éclats de verre de son pare-brise. Si je ne m'étais pas baissé, j'aurais été touché. Je me suis déjà fait tirer dessus dans d'autres zones de conflit, mais je n’ai jamais vu ça. Les journalistes qui se déplacent dans le pays sans expérience de la guerre sont en danger de mort ».
Dans le nord du pays, à Irpin, en banlieue de Kyiv, une équipe de tournage pour la chaîne panarabe basée à Londres Al-Araby TV s'est également retrouvée sous le feu russe lors d'un reportage dimanche 6 mars. Le correspondant Adnan Can et son collègue caméraman Habip Demirci ont essuyé des tirs visant leur voiture, alors même qu'ils avaient accroché un drapeau blanc et des signes « presse » à leur véhicule. Bloqués dans la ville en proie aux combats, les deux journalistes ont dû se cacher chez des habitants.
Quelques jours plus tôt, le 28 février, un commando russe avait tiré sur une équipe de la chaîne d'information britannique Sky News qui se rendait à Boutcha, en périphérie de Kyiv. Stuart Ramsay, le responsable de l'équipe de cinq personnes, dont quatre Britanniques et un journaliste ukrainien, a été blessé par un tir tandis que deux balles ont été arrêtées par le gilet pare-balles du caméraman Richie Mockler. Après s'être identifiés en criant leur statut de journalistes et voyant que les tirs continuaient malgré leurs gilets de presse, l'équipe a dû abandonner son véhicule pour s'enfuir en courant vers un lieu sûr.
A Makariv, en périphérie de Kyiv, les reporters tchèques Vojtech Bohac et Majda Slamova du média Voxpot, en voiture avec deux confrères ukrainiens de Central TV, ont été plus chanceux lors d’un incident similaire le 3 mars et s'en sont sortis indemnes. Ils ont réussi à prendre la fuite avec leur véhicule après avoir essuyé des tirs de fusils d’assaut AK-47 de la part de soldats russes, selon leurs médias.
« A quelques centimètres près, cette blessure à l’épaule m’aurait coûté la vie », nous a affirmé le journaliste danois Stefan Weichert, désormais hospitalisé au Danemark où il a été évacué en urgence pour être soigné avec son collègue Emil Filtenborg Mikkelsen, touché lui par quatre balles. Les deux correspondants du journal Ekstra-Bladet ont été gravement blessés le 26 février à Okhtyrka, dans le nord-est de l'Ukraine. « Le tireur qu’on n’a pas pu identifier, était posté à une quinzaine de mètres derrière notre voiture. Il ne pouvait pas manquer le signe « presse », clairement visible sur le véhicule ».
Outre les tirs à balles réelles contre les journalistes, l'armée russe a bombardé des antennes de télécommunication pour empêcher la diffusion des chaînes et des médias ukrainiens. Au moins quatre tours ont été ciblées par des frappes à Kyiv, Korosten, Lyssytchansk et Kharkiv. Au total, plus de 32 chaînes de télévision et plusieurs dizaines radios ont brutalement cessées leur diffusion suite à ces frappes. L'une d'elles a tué un caméraman de la chaîne locale Kiev Live TV, Evgeny Sakun, présent sur les lieux au moment de la frappe à Kyiv, dans des circonstances en cours d’investigation par RSF.
photo: RSF
eh