L’annexion de la Crimée : chronique des événements

A l'occasion du cinquième anniversaire de l'annexion de la péninsule, Ukrinform retrace les événements qui ont mené la Crimée d'une terre ukrainienne à un territoire occupé par la Russie.

Le 18 mars 2014, Vladimir Poutine, président russe, Vladimir Konstantinov, prétendu « président du Conseil d’État » de Crimée, Sergei Aksyonov, prétendu « président du conseil des ministres de la République » et Alexei Tchaliy, prétendu « maire populaire » de Sébastopol ont signé un document  sur « l’adhésion de la Crimée et de Sébastopol à la Fédération de Russie ». 

Ce document a officialisé l’annexion de la République autonome de Crimée par la Russie.  Ukrinform revient sur les événements qui précédent l’annexion.

Le 21 février

Les organisations pro-russes « Unité russe », « Bloc russe », ainsi que les unités des Cosaques ont organisé une manifestation devant le bâtiment du Conseil Suprême de Crimée pour exiger le détachement de la péninsule de la juridiction de Kyiv et son indépendance.

Le 22 février

Les organisations pro-russes, à nouveau, avec les forces de la soi-disant « auto-défense », installent des points de contrôle sur toutes les routes à l’entrée de Sébastopol au prétexte « de prévenir les attaques du Pravy Secteur ».

Anatoly Mohyliov, Premier-ministre de Crimée, exprime son soutien aux nouvelles autorités de Kyiv, en déclarant que « Le parlement ukrainien avait tous les droits pour voter la destitition de Victor Ianoukovitch  du poste du président ukrainien ».

« La Verkhovna Rada a décidé de prendre sous sa responsabilité la situation dans le pays. C’est elle qui prend les décisions. C’est aux juristes d’évaluer la légitimité de ces décisions, on peut en discuter pendant très longtemps, mais les députés prennent ces décisions et il faut les exécuter » ( Anatoly Mohyliov, Premier-ministre de Crimée)

Le jour-même, plusieurs manifestations sont organisées au centre de Sébastopol, les participants votent en défiant Mohyliov et les autres représentants de l’administration de Crimée. Les rassemblements se terminent par l’élection d’un homme d’affaires russe, Alexei Tchaly, au poste de « maire populaire ».  Gennadiy Bassov, leader du parti « Bloc russe », annonce le début des formations d’unités d’auto-défense.

Le 24 février

Volodymyr Yatsouba, maire de Sébastopol, dépose sa lettre de démission et quitte le Parti des régions.

Le 26 février

Ce jour, deux manifestations se sont rassemblées devant le bâtiment du Conseil Suprême de Crimée: une, organisée par les représentants des organisations pro-russes qui exigeaient l’adhésion de la Crimée à la Russie et une autre, celle des Ukrainiens et des Tatars de Crimée qui soutenaient l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Selon Moustafa Djemilev, leader des Tatars de Crimée, environ 12 000- 13 000 personnes ont participé à cette manifestation pro-ukrainienne. Très vite, des échauffourées sont survenues. Selon les données officielles, au cours de ces affrontements, 30 personnes ont été blessées et 2 personnes ont été tuées : un homme est mort d’une crise cardiaque et une femme a été écrasée par une foule.

Dans la nuit du 27 février, des hommes armés  ont pris d’assaut les bâtiments du Conseil Suprême et du Gouvernement de la République autonome de Crimée et  hissé des drapeaux russes.

Le 27 février

Le Conseil Suprême de Crimée adopte une décision sur le référendum, concernant  l’élargissement des pouvoirs de l’autonomie, prévu pour le 25 mai 2014. Cependant, le Comité central électoral a déclaré qu’un référendum sur l’autodétermination de la Crimée était impossible, car les lois ukrainiennes ne prévoyaient pas l’organisation de référendums locaux.  Anatoly Mohyliov, Premier-ministre de  Crimée, a essayé de négocier, mais il a été destitué. Sergei Aksyonov, leader du parti « Unité russe » devient alors le nouveau président du Conseil.

Plus tard dans la journée, un groupe de députés de la Douma russe arrivent à Sébastopol, composé du vice président de la Douma, Vladimir Vassilyev, des députés Nikolai Valouev, Valentina Terechkova, Irina Rodnina et Sergei Sobyanine, maire de Moscou. Ils font un discours devant l’administration de Sébastopol et expriment leur soutien à l’adhésion de la Crimée à la Russie.

Vers 23 heures, une dizaine de camions et de véhicules blindés avec environ 300 hommes sont arrivés à l’aéroport « Belbek ».  Les véhicules n’avaient pas de plaques d’immatriculation, des hommes armés portaient des tenues de camouflage sans aucun signe de reconnaissance. Ils expliquaient qu’ils « devaient patrouiller à l’aéroport pour empêcher l’arrivé d’avions avec des combattants ».  Ils ont fini par prendre d’assaut la piste de décollage.

« La situation de fait, que nous voyons tous aujourd'hui en Ukraine, est une révision des frontières de l'après-guerre, et ce signal nous est envoyé par la Russie. Nous devons comprendre cela correctement et réagir immédiatement. Parce qu'après l'Ukraine ce sera la Moldavie, et après la Moldavie - d'autres pays. Et aujourd'hui, c'est une agression ouverte et brutale » (Dalia Grybauskaitė, Présidente de la République lituanienne).

Vers minuit, une centaine de personnes armées, prétendant être une « centurie de cosaques », pénètrent sur le territoire de l’aéroport international de Simferopol. Une heure plus tard, ils sont repoussés en dehors de l’aéroport par des forces de police et des militaires ukrainiens. Vers 1h30 du matin, des camions avec 119 hommes armés arrivent à l’aéroport.  En fin de nuit, une centaine d’hommes armés encerclent l'aéroport international de Simferopol.

Le 28 février

Des inconnus armés, en tenue de camouflage, ont érigé des points de contrôle avec des blocs de béton, des sacs de sable et d’autres matériaux de construction improvisés. Ces points de contrôle ont été installés près de l’entrée du territoire de la République autonome de Crimée : sur les routes de Skadovsk – Armyansk et Kalantchak  - Armyansk, ainsi qu’à la frontière entre la Crimée et la région de Kherson à Tchongar et près de la ville de Dzankoy.

Des drapeaux russes sont alors hissés au-dessus des tous les points de contrôle et des hommes armés, en tenue de camouflage, des miliciens et des forces spéciales anti-émeute « Berkut » contrôlent ces postes.

Le 1 mars

Sergei Aksyonov se déclare commandant en chef de toutes les forces de l’ordre et de l’armée de Crimée.

Les députés de Sébastopol adoptent deux résolutions : une sur le refus d’obéissance aux nouvelles autorités de Kyiv et une autre, sur l’organisation du référendum concernant le statut d’autonomie de la Crimée.

Le navire de guerre russe « Zoubr » rentre dans le port de Théodosie. En outre, selon les médias, les portails d'information Internet de Théodosie ont été soumis à des attaques de hackers et n’ont pas permis, en l’absence de webcams, de montrer la ville et le port.

Le  2 mars

Les autorités auto proclamées de  Crimée changent tous les chefs des forces de l’ordre et des Forces militaires de la péninsule.

Des navires de guerre russes arrivent dans le port de Sébastopol.

Dans la ville de Sébastopol, des hommes armés en tenue de camouflage sans écusson bloquent le quartier général des Forces navales de l’Ukraine et le bâtiment reste sans électricité. La base de la 36ème  brigade des Forces côtières ukrainiennes, située dans le village de Perevalny, le siège de l'administration régionale Azov-Mer Noire et le détachement frontalier de Simferopol du Service frontalier ukrainien sont pris d’assaut.

Le 4 mars

Valentin Nalivaytchenko, chef du Service de sécurité de l’Ukraine,  confirme que les militaires russes ont totalement bloqué le travail des forces de sécurité de l’Ukraine en Crimée.

 La Russie a avancé divers arguments pour justifier ce qui n'est rien de plus qu'un vol de territoire (...) Mais le monde a percé à jour les initiatives russes et en a rejeté la logique faussée » (Joe Biden, vice-président des Etats-Unis)

Sergei Aksyonov a déclaré que les militaires ukrainiens en Crimée devaient être prêts à obéir au nouveau gouvernement de Crimée et que les commandants qui refuseraient d’obéir aux ordres seraient traduits en justice.

Le 5 mars

Le croiseur de missiles « Moscou » de la flotte de la mer Noire de la Fédération de Russie, accompagné de quatre navires de soutien, se met à l'entrée de la baie de Donuzlav, bloquant ainsi la sortie des navires de guerre ukrainiens.

Le 6 mars

Le Conseil suprême de Crimée et le conseil municipal de Sébastopol  prévoient un référendum sur l'adhésion à la Fédération de Russie le 16 mars 2014.

Roustam Temiralgiev, « premier adjoint du président »  du gouvernement autoproclamé de  Crimée, déclare que tous les biens de l’Ukraine en Crimée seront nationalisés au profit des nouvelles autorités de la péninsule.

Le 11 mars

Le Conseil Suprême de la République de Crimée et le Conseil municipal de Sébastopol adoptent une déclaration sur l’indépendance de la Crimée. Le document stipule que la Crimée pourrait adhérer à la Fédération de Russie.

Le 12 mars

Roustam Temiralgiev, « premier adjoint du président »  du gouvernement autoproclamé de Crimée, informe d’une restriction des liaisons aériennes avec la péninsule et l'Ukraine jusqu'au 17 mars.

Le 13 mars

Le commandant de la 204ème brigade de l'aviation tactique basée à l'aérodrome « ​​Belbek », le  colonel Yuliy Mamtchour, exige que les autorités de Kyiv donnent des instructions écrites judicieuses à tous les commandants des unités militaires, stationnées dans la République autonome de Crimée, afin d'éviter d'éventuelles collisions avec l'utilisation d'armes, et ceci, dans les plus brefs délais en cas de menace directe sur la vie du personnel, des membres des familles des militaires et des civils.

« Si vous ne prenez pas de décisions appropriées, nous devrons agir conformément à la Charte des forces armées ukrainiennes jusqu'à l'ouverture de tirs. En même temps, nous réalisons clairement que nous ne pouvons pas résister longtemps aux unités armées des troupes russes supérieures en nombre et entrainées, mais nous sommes prêts à faire notre devoir jusqu'au bout » (Yuliy Mamtchour, commandant de la 204ème brigade)

Le Parlement européen adopte une résolution concernant l'invasion de l'Ukraine par la Russie dans laquelle elle exhorte la Russie à cesser immédiatement son invasion militaire de l'Ukraine et à retirer ses troupes du territoire de la République autonome de Crimée, qui est partie intégrante de l'Ukraine.

Le 15 mars

Les États-Unis convoquent une réunion extraordinaire du Conseil de sécurité de l'ONU pour voter en faveur d'un projet de résolution condamnant le « référendum » prévu le 16 mars en Crimée sur l’adhésion de la péninsule à la Russie. Cependant, la Russie met son véto sur la résolution.

« Les États-Unis ont proposé cette résolution dans un esprit de réconciliation et de désir de paix, prévalence du droit, de reconnaissance des faits et d'exécution des obligations de ce Conseil de promouvoir et de sauvegarder la stabilité. Au moment de la décision, une seule main s'est élevée contre ces principes. La Russie, isolée, seule, a bloqué la résolution tout comme elle a bloqué les navires ukrainiens et les observateurs internationaux.»  (Samantha Power, ambassadrice des États-Unis aux Nations unies de 2013 à 2017.)

Le 16 mars

En dépit de toutes les protestations de l’Ukraine et de la communauté internationale, les autorités de Crimée organisent tout de même un référendum. Selon les résultats officiels, 96,77% des électeurs de Crimée et 95,6% des électeurs de Sébastopol ont voté pour l’adhésion à la Russie. Il est à noter qu’il n’y a pas eu de campagne d’opposition,  que le scrutin était illégal au regard du droit ukrainien et international, qu’il n’y avait pas d’observateurs internationaux et les forces russes était très présentes au moment de référendum. Une grande partie de la population a refusé de voter, surtout parmi les Tatars de Crimée mais aussi parmi les Ukrainiens.

Le 17 mars

Sur la base des résultats du référendum et de la déclaration d'indépendance adoptée le 11 mars, le Parlement de Crimée proclame l'indépendance de la république. Simferopol fait appel à Moscou en demandant d'inclure la péninsule à la Russie, comme nouveau « sujet ».

« Je condamne cette décision. La France ne reconnaît ni les résultats du référendum tenu en Crimée le 16 mars dernier, ni le rattachement de cette région d'Ukraine à la Russie » ( François Hollande)

Vladimir Poutine signe un décret reconnaissant l'indépendance de la République de Crimée, puis approuve le projet d'accord sur la réunification de la Crimée avec la Russie.

Le 18 mars

Vladimir Poutine, président russe, Vladimir Konstantinov, prétendu « président du Conseil d’État » de Crimée, Sergei Aksyonov, prétendu « président du conseil des ministres de la République » et Alexei Tchaliy, prétendu « maire populaire » de Sébastopol ont signé un document  sur « l’adhésion de la Crimée et de Sébastopol à la Fédération de Russie ».

Dans la soirée, à Simféropol, des troupes russes ont pris d’assaut  le 13e centre photogrammétrique. Au cours de l’assaut, impliquant un grand nombre de tireurs d'élite russes, deux militaires ukrainiens ont été touchés par des balles. Serhiy Kokourine, soldat, a été tué et Valentin Fedoune, lieutenant, a été blessé.

En rentrant sur le territoire du centre, des militaires russes ont saisi les documents et l'argent des militaires ukrainiens  et les ont mis «en état d'arrestation».

Les navires de guerre ukrainiens sont toujours bloqués dans la baie de Donuzlav.

Le 20 mars

La Douma russe adopte la loi sur l’adhésion de la Crimée à la Russie.

« Dans le cœur et la conscience des gens, la Crimée était et reste une partie intégrante de la Russie. Nous ne voulons pas la scission de l'Ukraine, nous n'en avons pas besoin. Ne croyez pas ceux qui vous font peur au sujet de la Russie, qui vous disent qu'après la Crimée, vont suivre d'autres régions » ( Vladimir Poutine)

Le 21 mars

Vladimir Poutine signe une loi sur l’adhésion de la Crimée à la Russie et ratifie le décret correspondant. Poutine signe aussi le décret sur la création du district fédéral de Crimée.

EH