Viktor Liachko, ministre ukrainien de la Santé
Sur le front médical, le système de santé résiste avec détermination.
Après presque un an de la guerre à grande échelle menée par la Fédération de Russie contre l'Ukraine, il ne reste plus aucune industrie dans le pays qui n'ait subi de pertes. Cependant, malgré toutes les difficultés, nous résistons et continuons à nous battre pour notre indépendance et notre liberté. Ukrinform s'est entretenu avec le ministre de la Santé, Viktor Liachko, des plus grands défis auxquels le système de santé est confronté pendant cette guerre et de la manière dont il les surmonte.
- L'anniversaire de l'invasion à grande échelle approche à grands pas et, au début de cette invasion, vous avez lancé un message selon lequel, malheureusement, l'état de santé des Ukrainiens va se détériorer. Notamment en raison des difficultés d'accès aux soins médicaux. Maintenant, sur la base des résultats de cette année, comment évaluez-vous la situation dans le système de santé ?
- La guerre a un impact négatif direct et indirect sur la santé et la vie des Ukrainiens. Et cet effet indirect est lié à un certain nombre de facteurs. Au fur et à mesure de la destruction de l’infrastructure médicale, ce sont aussi les infrastructures dans leur ensemble qui sont détruites, il y a des impacts sur les problèmes logistiques à l'intérieur du pays - tout cela complique les choses habituelles et change le rythme de vie établi de chaque citoyen ukrainien. Et les questions qui étaient autrefois une priorité pour toute personne soucieuse de sa santé, à savoir les examens médicaux préventifs, les consultations du médecin de famille, les programmes de dépistage, sont passées au second plan pendant les hostilités. Et auparavant, pendant deux ans, la pandémie du coronavirus avait également eu un impact négatif sur le système de santé.
Notre agenda est façonné par ces risques qui aujourd'hui affectent négativement les conditions de vie de chacun d'entre nous. Parce que quand il y a des soucis constants, quand il y a des attaques constantes, on ne se demande plus si on a raté une consultation de dépistage, une visite habituelle chez son médecin de famille, ou si on a effectué ses vaccinations à temps. Et tout cela conduira au fait que les maladies que les médecins détectent habituellement à un stade précoce seront détectées à l'avenir à des stades complètement différents, dits avancés. Et le traitement sera peut être plus long, plus coûteux, et parfois inefficace pour certaines maladies détectées trop tardivement.
Dans le même temps, des problèmes de disponibilité des médicaments dans certaines régions, notamment dans le cadre du programme « Médicaments abordables », pour les mêmes raisons, et à cause de la médiatisation, conduiront à ce que les gens ne prennent pas de médicaments préventifs, notamment, pour abaisser la tension artérielle. Et à son tour, cela entraînera de l’hypertension artérielle, des crises cardiaques et des accidents vasculaires cérébraux. C'est les problèmes auxquels nous sommes déjà confrontés et auxquels nous serons confrontés après la victoire pendant peut-être même une dizaine d'années. Et à tout cela s’ajoute l'impact de la guerre, l'impact des facteurs de stress sur l'état psycho-émotionnel de chaque personne. Et là, la question est, encore une fois, de savoir comment nous, en tant qu'État, ferons face aux problèmes d'impact sur la santé mentale, à quel moment et de manière qualitative nous mettrons en œuvre un programme national de soutien psychologique et d’accompagnement psychosocial. Environ 80% de cet impact sur les personnes peut être résolu par l'auto-découverte, l'auto-diagnostic et l'auto-assistance, de sorte que les troubles psycho-émotionnels n'affectent pas davantage la progression des maladies liées à la santé mentale, ainsi que les maladies physiques provoquée par des changements dans l'état psychologique.
- Revenons au présent et à la situation du système de soins médicaux. Comment, selon vous, le système médical fait-il actuellement face aux défis existants?
- Depuis le 24 février, nous sommes passés à un espace médical unique. Auparavant, nous avions communiqué avec le commandement des forces médicales des Forces armées ukrainiennes, adopté des actes juridiques qui nous ont permis de lancer une réponse systémique aux menaces causées par le conflit militaire. Lorsque s’est produite l’invasion à grande échelle de la Fédération de Russie sur le territoire de l'Ukraine, nous avons immédiatement lancé un espace médical unique qui réunit le système médical militaire et le système médical civil. Et, en fait, sur cette base, nous avons réussi à préserver le système médical et aussi à définir avec précision le fonctionnement du système d’évacuation des patients afin d'apporter une assistance à tous ceux qui en ont besoin, en donnant la priorité à l'aide aux militaires blessés.
D’ailleurs, je tiens à remercier tous les travailleurs médicaux, car avec leur courage, ils ont fait preuve d'un tel héroïsme que le monde entier est fier d'eux aujourd'hui. En effet, le système médical est une sphère qui ne pourrait pas fonctionner sans le facteur humain. Et quelles que soient les décisions prises sur le papier, elles doivent être mises en œuvre par des personnes - médecins, infirmières, aides-soignantes, et aussi par les employés qui assurent le fonctionnement vital de l'hôpital. Ce sont des chauffeurs, des plombiers et des ingénieurs, car les hôpitaux sont un organisme multifonctionnel. Dès les premiers jours de la guerre, tous étaient au travail, et probablement un plus grand nombre de personnes que d'habitude assurait le service des équipes d'aide médicale d'urgence. C'est une source d’inspiration. En plus de tout cela, des problèmes survenaient dans le moindre recoin de notre pays.
Depuis le début de l'invasion à grande échelle, une verticale s'est formée avec des sélecteurs quotidiens auprès des services de santé, avec l'inclusion des médecins en chef des établissements médicaux de tous niveaux des régions les plus problématiques, des communications permanentes avec les propriétaires de chaînes de pharmacies, les fabricants pharmaceutiques nationaux , les distributeurs de médicaments, ce qui a permis de manière opérationnelle, bien qu’en mode manuel, de coordonner les ressources dont nous disposions afin de mettre en œuvre l'aide dont les personnes avaient besoin à un moment précis. Toutes les étapes ne s’effectuent pas sans crises, malheureusement, et je pense qu'aucun système de santé ne peut traverser de tels défis sans périodes de crise. Mais ce que nous voyons maintenant, ce que nous et nos partenaires internationaux analysons, montre que nous relevons ces défis. Le système de santé réagit de manière appropriée sur le plan médical.
-L'infrastructure médicale a été considérablement affectée pendant cette période. Au début de 2023, quel est le montant estimé des dommages et combien d'institutions médicales l'Ukraine a-t-elle finalement perdues? Dans quelles régions, où les hostilités se sont déroulées et se déroulent actuellement, l'infrastructure médicale a-t-elle le plus souffert ?
- Si nous parlons de statistiques, alors 1 218 objets parmi les établissements de santé ont été endommagés, dont 540 hôpitaux, et parmi ces hôpitaux, 173 sont complètement détruits, à plus de 90%, et nous ne les considérons pas comme des établissements à rénover. Dans ce cas, un nouveau bâtiment doit être construit à partir de zéro, selon un nouveau projet.
En termes d'évaluation financière, lorsque nous pouvons avoir accès aux installations détruites et endommagées, nous examinons le prix au mètre carré par hôpital en utilisant la documentation de conception et de financement qui existent existe pour les autres installations pour 2021. Nous avons calculé le prix moyen de toutes les installations et nous pouvons maintenant parler d’un montant pouvant atteindre 1 milliard de dollars nécessaire pour remettre les installations médicales dans l'état où elles se trouvaient avant le 24 février.
Cependant, je constate que nous ne pouvons pas avoir accès à beaucoup d'établissements de santé. Par exemple, nous évaluons la situation des établissements de Marioupol uniquement sur la base d’images vidéo.
Dans le même temps, les spécialistes de la Banque mondiale et de l'Organisation mondiale de la santé calculent selon leur méthodologie : ils prennent en compte non seulement la remise à l'état du 24 février, mais les investissements perdus et autres potentiels perdus qu’un hôpital aurait pu générer. Ils estiment les dommages causés au système de santé ukrainien à des dizaines de milliards de dollars. En particulier, le dernier chiffre qu'ils ont présenté fin septembre 2022 était de 26 milliards de dollars.
Au cours de ces trois derniers mois, de nouvelles destructions se sont encore produites dans l'infrastructure médicale, ainsi que dans le secteur de l'énergie. Cela implique des achats supplémentaires de générateurs comme source autonome d'alimentation électrique. Et cela, encore une fois, ce sont, pour les établissements de santé, des coûts supplémentaires de carburant utilisé pour alimenter ces sources d'approvisionnement en énergie alternative, de salaires pour les employés qui entretiennent ces générateurs et assurent leur fonctionnement efficace. Au fil du temps, cela conduira à des chiffres encore plus élevés dont le montant total figurera dans le rapport final.
Si nous parlons des zones où les destructions sont les plus importantes, c'est précisément celles où se déroulent les hostilités les plus actives - le sud et l'est de la région de Kharkiv, puis - Donetsk, Louhansk, Mykolaïv, Kherson. Là, la plupart des établissements de santé de différents niveaux ont été touchés, depuis les dispensaires ruraux jusqu’aux hôpitaux urbains.
Si nous parlons des dernières semaines, ce sont les infrastructures de Kherson et de la région de Kherson qui souffrent le plus, car la ville de Kherson est constamment bombardée. Récemment, le 29 janvier, des troupes russes ont pris pour cible le bâtiment chirurgical de l'hôpital régional, une infirmière et une aide-soignante ont été blessées. Elles ont été opérées sur place. Merci à tous les agents des services publics qui apportent leur aide. Il a été immédiatement possible de changer les fenêtres de l'établissement médical, de remplacer ce qui a été détruit, afin que l'hôpital puisse continuer à fournir des soins médicaux. Et nous sommes reconnaissants à tous les travailleurs médicaux qui continuent de rester sur leur lieu de travail et de fournir des soins médicaux à tous ceux qui en ont besoin.
- Du matériel et des ambulances sont désormais en cours d'achat, notamment grâce aux fonds collectés sur la plateforme UNITED 24. Selon quel principe ces achats sont-ils effectués? Est-que c’est selon les besoins de chaque établissement médical ?
- Depuis le début de l'invasion à grande échelle, un grand nombre de nos partenaires internationaux et de citoyens ordinaires ont répondu à l'appel pour aider l'Ukraine, y compris des médecins. Nous avons reçu un grand nombre de demandes de la part de nos hôpitaux ou de nos travailleurs médicaux, ainsi que de partenaires internationaux concernant ce dont nous avons besoin et ce qu'ils sont prêts à fournir. Lorsque ce processus était chaotique, il arrivait que certaines livraisons étaient effectuées, mais nous ne comprenions pas quel matériel était livré, où et comment il était livré. Par conséquent, dans les premières semaines après l'invasion, en collaboration avec notre Agence Publique «Achats Médicaux», «Electronic Health», nous avons développé un système MedData, dans lequel chaque hôpital saisit les données des produits dont il a besoin le jour même. Cela s'applique à la fois aux médicaments et aux dispositifs médicaux, aux consommables et aux gros équipements médicaux. Ce dispositif nous a permis de comprendre les priorités, et la nature du problème. Et lorsque l'aide internationale arrive dans les entrepôts du Ministère de la Santé, nous la trions puis la livrons au consommateur final via des sociétés de logistique. Cela nous a permis de voir le mécanisme d’ensemble d'acheminement de l'aide humanitaire dans le pays. Notre modèle de gestion de l’aide humanitaire a été reconnu par L’Agence Nationale de Prévention de la Corruption comme l'un des modèles exemplaires, et elle a suggéré que tous les autres ministères recevant de l'aide humanitaire utilisent les mêmes modèles que le Ministère de la Santé.
Par ailleurs, le président a lancé la plate-forme de collecte de fonds UNITED-24, incluant un bloc «Sphère médical» et de nombreux ambassadeurs incitent les gens à faire un don pour aider l'Ukraine. Et ceux qui ne veulent pas aider à des fins militaires – peuvent aider à des fins humanitaires, en particulier pour l'aide médicale.
Avec les fonds reçus par UNITED-24, qui s'élèvent à plus d'un milliard de hryvnias, nous avons déjà acheté plus de 9 000 unités de divers types de produits et d’équipements médicaux, y compris des véhicules médicaux d'urgence. Et pas seulement d’aide médicale d'urgence, mais aussi des véhicules blindés qui ont été remis aux forces de sécurité et de défense afin d’évacuer de manière plus sûre les blessés des zones bombardées en permanence. UNITED-24 n'est pas un quelconque fonds caritatif, son compte est ouvert à la Banque nationale d'Ukraine. Sur le compte UNITED-24, la procédure d'utilisation des fonds a été élaborée et approuvée par le Cabinet des ministres de l'Ukraine, une commission a été créée, qui détermine les priorités en tenant compte des besoins provenant des différentes régions. Cette commission détermine quelles priorités sont au jour le jour les plus importantes, et elles peuvent alors être couvertes par ces fonds. Et la procédure de passation des marchés se déroule, encore une fois, de la même manière que pour tous les autres marchés publics - par notre Agence Publique «Achats Médicaux de l’Ukraine», dans un environnement concurrentiel, afin d'acheter la meilleure qualité possible au prix le plus bas et de livrer les produits le plus rapidement possible là où ils sont le plus nécessaires.
Nous avons également acheté une grande quantité d'équipements avec les fonds de la Banque mondiale, et le gouvernement a également alloué des fonds provenant du fonds de réserve, qui ont permis aux régions et au Ministère d’acheter des médicaments, en particulier des antibiotiques, et du matériel médical pour les hôpitaux. . Une assistance distincte a été fournie par l'Organisation mondiale de la santé. Nous avons maintenant fait le bilan de toute l'aide que nous avons reçue de l'OMS pour 2022, et ce sont aussi des chiffres importants. Dans un futur proche, nous les publierons sur le site du Ministère de la Santé.
- Je voudrais également avoir quelques précisions sur les générateurs. Nous savons que de nombreux groupes électrogènes ont également été achetés par le ministère de la Santé et que les autorités locales aussi en ont acheté. A votre avis, dans quelle mesure existe-t-il encore des besoins pour assurer l'indépendance énergétique des établissements médicaux, que devons nous faire d’autre dans ce secteur?
-Déjà lorsque nous avons lancé la deuxième étape de la réforme médicale en avril 2020, une exigence obligatoire pour obtenir un contrat avec le Service national de santé d'Ukraine était la disponibilité d'une source alternative d'approvisionnement en énergie pour assurer le fonctionnement de l'établissement en cas de panne d'électricité. Parce qu'auparavant, il arrivait que, pendant les coupures de courant, des équipements coûteux étaient éteints dans l'unité de soins intensifs. Par conséquent, tous nos établissements qui travaillent avec le Service national de santé d'Ukraine ont été équipés de générateurs.
Cependant, l'encerclement de Tchernihiv par des troupes russes lors du premier mois de la guerre et les coupures d’électricité dans cette ville nous ont montré que ces générateurs ne suffisaient que pour alimenter la salle d'opération, et peut-être l'unité de soins intensifs. Ils ne pouvaient pas assurer le plein fonctionnement de l'ensemble de l'établissement de santé. Et à partir de ce moment, c'est-à-dire mars-avril 2022, nous avons entrepris un recalcul complet de la puissance des générateurs, nécessaire pour qu’un établissement puisse fonctionner pleinement en mode autonome. A cette époque, il s'agissait d'un simple arrêt dû à des dommages aux systèmes électriques, mais il était déjà clair qu'il fallait se préparer à un hiver rigoureux. Par conséquent, nous avons acheté un grand nombre de générateurs auprès de diverses sources. Il s'agissait de fonds provenant des budgets locaux, des hôpitaux eux-mêmes et du ministère de la Santé, et un grand nombre de générateurs ont été fournis par nos partenaires. Par conséquent, nous avons actuellement 4 000 générateurs en fonctionnement dans le système de santé, et un grand nombre d'entre eux sont des générateurs puissants.
Le ministère de la Santé a déjà livré environ 600 générateurs et l'achat de 1 100 autres générateurs avec les fonds du prêt de la Banque mondiale a également été effectué. Cela suffira-t-il à assurer le bon fonctionnement des grands hôpitaux ? Oui, cela suffira. En même temps, nous avons un grand nombre de dispensaires, de bases d'aide médicale d'urgence et d'autres point de soins, et des générateurs d'électricité sont nécessaires partout. Par conséquent, nous poursuivons ce processus et souhaitons l'achever en sachant qu'en cas de panne totale, chaque établissement médical, base d'aide médicale d'urgence et centre de soins de santé primaires disposera de sources d'énergie alternatives.
- Actuellement, on parle beaucoup de la rééducation des blessés. Comment ce domaine va-t-il évoluer? Qu'attend-on pour cette année ? Vous avez déclaré que maintenant tout fonctionne dans un espace médical unique, mais nous savons que la médecine militaire existe séparément de la médecine civile. Comment cela sera-t-il résolu en termes de rééducation, puisque de nombreuses personnes en auront besoin ?
- Je ne pourrais probablement pas citer un seul hôpital civil dans lequel des militaires ne sont pas soignés, et les hôpitaux proches de la ligne de front continuent également à soigner les civils. Cela montre notre humanité, cela montre que nous nous soutenons les uns les autres. Par conséquent, les systèmes, quel que soit leur mode de financement, se rejoignent pour fonctionner comme un espace médical unique.
Concernant le système de rééducation: en 2022, dans son discours à la Verkhovna Rada, le président Zelensky a déclaré que la construction d'un système de réadaptation moderne était une priorité pour nous. Nous avons déjà réalisé des travaux législatifs et de réglementation sur la formation des spécialistes, ainsi que la modernisation de certains établissements du système de réadaptation. Un réseau de centres de réadaptation a déjà été créé, dépendant aussi du ministère de la Défense et du ministère de la Politique sociale. Parce que très souvent, la rééducation est liée à des domaines tels que celui des prothèses, qui sont financées dans notre pays par le budget du ministère de la politique sociale. Dans ce sens, nous avons formé, conventionnellement, un parcours unique pour les patients présentant différents types de blessures afin que la réabilitation se déroule selon tel ou tel profil dont le patient a besoin. Et dans ce sens, nous continuons à multiplier et à développer ces centres, y compris les centres de rééducation. De plus, à la fin de 2022, le tarif de la réadaptation a été recalculé de 10 000 UAH à 33 600 UAH, ce qui a considérablement augmenté le montant des fonds alloués à l'hôpital et a permis d'attirer davantage de spécialistes de la réadaptation à l'hôpital afin d'effectuer une réhabilitation de qualité.
Nous faisons également appel à des spécialistes étrangers. L'Organisation mondiale de la santé a créé un projet, et nous envoyons nos rééducateurs en formation afin qu'ils puissent profiter de l'expérience des principaux centres européens. Nous adaptons les protocoles de rééducation, et je pense que dans un futur proche nous couvrirons nos besoins en centres de rééducation dans notre pays. Il est important que dans le domaine des soins de santé, le concept de rééducation ne soit pas remplacé, par exemple, par un traitement de rétablissement ou de décompression, dont ont besoin les personnes qui sont en première ligne depuis longtemps, dans une zone de bombardements constants. C'est un système complètement différent. C'est déjà travail que nous accomplissons en lien avec les ministères qui font partie des forces de défense, et ce sont des itinéraires complètement différents pour les patients, des conditions différentes pour un séjour dans des établissements au profil correspondant.
- Les militaires blessés seront-ils envoyés en rééducation dans le cadre d'une évacuation sanitaire ?
- Cela se produit même actuellement, mais pour une évacuation médicale la priorité est d'envoyer se faire soigner les patients qui ont besoin d'un traitement à long terme. Il s'agit d'un traitement coûteux financé par la Commission européenne. L'évacuation médicale nous permet de décharger notre système. Lorsqu'un patient a besoin de 3 mois ou plus de traitement dans un établissement de santé, compte tenu des conditions dans lesquelles le système de santé ukrainien fonctionne aujourd'hui, il est souhaitable que ces patients soient soignés et accompagnés dans des conditions plus sûres. Cela nous permet de libérer à la fois des lits et les spécialistes qui prennent en charge ces patients et de réorienter ces spécialistes vers les urgences. Nous envoyons également des personnes à l'étranger pour la rééducation, mais notre priorité est de développer le système de rééducation en Ukraine de manière à couvrir pleinement les besoins de notre pays.
- Et si, par exemple, des militaires ont besoin d’être envoyés en rééducation- je vois souvent de telles demandes sur les réseaux sociaux - auprès de qui ces militaires peuvent-ils en faire la demande? Doivent-ils contacter le ministère de la politique sociale, le ministère des anciens combattants, le ministère de la défense ou le ministère de la santé ?
- Regardez, s'il s'agit d'une unité militaire, le commandement de cette unité transfère une demande par l'intermédiaire du commandement des forces médicales des Forces armées ukrainiennes. Et là, s'il y a besoin, des voies d'évacuation sont organisées. Il y a une interaction claire au niveau du ministère et du commandement des forces médicales des Forces armées ukrainiennes concernant les institutions dans lesquelles nous pouvons faire venir des militaires pour une rééducation ou un traitement. Nous essayons également de répondre aux questions qui se posent lors de la rééducation et d’indiquer aux patients quelles sont les étapes à suivre.
Aujourd'hui, nous avons des trains d'évacuation entiers qui fonctionnent, auxquels se joint le train d'évacuation de «Médecins sans frontières», qui circule sur le territoire de l'Ukraine. Chaque centre de soins médicaux d'urgence a mis en place des équipes de médecine d’urgence, qui sont équipées d'une ambulance, afin d'assurer un mouvement constant le long des voies d'évacuation. Ce ne sont pas les équipes qui répondent aux appels du 103, mais des brigades de travailleurs médicaux qui emmènent un soldat blessé de l'hôpital jusqu'au point où le traitement sera effectué. De plus, deux bus circulent sur les lignes, qui grâce au gouvernement norvégien ont été convertis en ambulances et qui peuvent transporter simultanément six patients en soins intensifs. Mais je lance encore une fois cet appel : il faut que tout se passe selon la verticale - c'est plus efficace qu'à travers des messages sur les réseaux sociaux.
Natalia Moltchanova
Photo : Ruslan Kanuka