Andriy Soukhine perpétue une tradition militaire familiale qui remonte à son arrière-grand-père. Il a servi dans une mission de maintien de la paix en Irak et combat contre la Russie depuis le 25 février 2022. Le commandant du 411e bataillon autonome de drones « Yastrouby » (« Faucons »), alias « Atlas », est actuellement en train de transformer son unité en un régiment autonome de systèmes sans pilote.
Le nouvel épisode de notre projet « Commandants de la victoire » se concentre sur les particularités du combat moderne, les relations avec les subordonnés, l’expérience acquise et la compréhension de la Victoire.
- Vous avez l’expérience du service en temps de paix, de la participation à une mission de maintien de la paix et de près de trois ans de guerre à grande échelle. Avez-vous remarqué la transformation, l’éloignement de l’héritage soviétique ? Que faudrait-il changer pour rendre nos forces armées plus modernes et proches des normes de l’OTAN ?
- On dit que tous les généraux préparent leurs troupes aux guerres précédentes parce qu’ils savent exactement comment elles se sont déroulées. Mais personne ne sait à quoi ressembleront les guerres de demain. Par conséquent, ce que l’on appelle l’approche soviétique est un mélange entre les approches de la Seconde Guerre mondiale et un certain niveau de développement technologique. L’Union soviétique, à un moment donné, a cessé son développement technologique, qui, déjà, n’était pas parmi les plus avancés. Les approches liées à l’emploi des troupes, à la formation et à l’encadrement des officiers et des sergents sont restées les mêmes. Ce que nous vivons aujourd’hui dans notre armée représente une véritable rupture technologique. Et cela ne s’applique pas seulement aux drones de différentes classes, mais aussi à tous les aspects, parce que les technologies de l’information, la base technologique élémentaire, tout ça a changé. Ce qui occupait autrefois des boîtes, des valises ou des armoires entières peut désormais tenir sur une clé USB. La vitesse de transmission de l’information a changé, la quantité d’information a changé, et il y en a beaucoup plus. Les types d’armes ont évolué, et même la poudre des cartouches et des obus est devenue différente. Toute cette transformation impose une adaptation. Si l’on suit les évolutions technologiques modernes et si l’on les utilise, l’armée est contrainte de se transformer. Et tout change en conséquence : les exigences en matière de formation, les exigences pour les soldats, les sergents et les officiers, les installations de formation, la formation technologique. Par exemple, la psychologie et le soutien psychologique ont beaucoup évolué. Dans l’armée soviétique, on plaisantait en disant qu’au Vietnam, les Américains faisaient la queue pour consulter un psychologue après un combat, tandis que les soldats soviétiques prendraient un verre et considéraient leurs problèmes psychologiques réglés. Aujourd’hui, nous comprenons que cette approche ne fonctionne pas et que d’autres méthodes sont nécessaires pour résoudre ces problèmes.
- Ces changements affectent-ils également l’armée russe ? Comment est l’ennemi aujourd’hui ?
- Ils ne comprennent pas ce qu’ils font ici. À part la propagande qu’ils consomment – des histoires sur Lénine et l’état-major autrichien – ils ne savent et ne comprennent rien d’autre. Leur niveau d’éducation et de vie est si bas que, pour eux, l’enrichissement personnel est l’un des principaux moteurs. En d’autres termes, voler quelque chose, piller, causer des dégâts en toute impunité, ce sont des choses qu’ils perçoivent comme normales. Ils n’ont aucune idée, aucune compréhension des processus en cours. Ils vivent encore dans l’Union soviétique, nourris par la propagande, les vieux films et les « chansons sur l’essentiel ».
L’armée russe est grande, elle est très puissante, mais il y a des moments où, par exemple, nous construisons et établissons très rapidement des liens horizontaux. Leur système est clairement vertical, quand tout vient d’en haut et ils ne font rien sans cela. Même s’ils savent comment le faire, ils ne le font pas sans ordre. C’est peut-être l’état d’esprit général des habitants de ce pays : sans tsar, sans instructions venues d’en haut, sans maître, ils sont impuissants.
Chez nous, c’est fondamentalement différent.
- Comment vous adaptez-vous aux changements de cette guerre ? Pourquoi avez-vous choisi de travailler avec des drones ?
- Comme beaucoup d’autres, nous avons appris sur le terrain. L’utilisation de drones à partir du 24 février 2022 a été une révélation pour beaucoup, et nous avons commencé à nous en préoccuper. Lorsque nous avons compris, au sein de l’unité, comment cela nous aidait à accomplir nos missions, nous avons commencé à le développer activement. Les premiers drones ont été déployés dans la zone de Pouchtcha-Vodytsia en direction de Mochtchoun au début du printemps 2022. Lorsque nous avons dû entrer dans le village de Mochtchoun après avoir repoussé l’offensive ennemie, tout était incertain : où étaient les mines, où étaient leurs positions, où étaient les nôtres, et les drones nous ont aidés à clarifier ces informations. C’est à ce moment-là qu’il est devenu clair dans quelle mesure cette technologie fonctionne, dans quelle mesure nous pouvons l’utiliser. L’ennemi n’était absolument pas préparé à l’utilisation de technologies civiles dans un cadre militaire. C’est cette approche créative et inhabituelle qui nous a permis de changer beaucoup de choses dans cette guerre. Après cela, nous avons commencé à chercher, développer, tester divers types de drones, et à organiser des formations. De plus, mon unité comptait des gens prêts à apprendre et à maîtriser rapidement cette technologie, ce qui nous a permis d’aller de l’avant. L’adaptation aujourd’hui est, d’un côté, assez simple, mais d’un autre côté, c’est un travail extrêmement difficile, car il s’agit d’un marathon constant d’amélioration et de changements. Nous plaisantions en disant que la force de maintien de la paix au Kosovo était autrefois considérée comme l’une des plus efficaces de l’armée ukrainienne. Ensuite, il y a eu la mission de maintien de la paix en Irak, et l'on pensait que ceux qui avaient été au Kosovo ne savaient plus comment agir correctement et quoi faire. Puis, en 2014, tout le monde a compris que l’expérience de l’Irak ne pouvait pas être appliquée directement, elle devait être adaptée. Et en 2022, nous avons compris que toutes les guerres précédentes n’avaient rien à voir avec ce qui se passe ici maintenant. Ainsi, aujourd’hui, l’expérience de combat de 2022 n’est plus pertinente, elle ne peut pas être utilisée. L’expérience de 2023 est également obsolète, et même celle du début de cette année de 50 à 70% ne correspond plus aux réalités actuelles. Il existe également de telles nuances que chaque direction – Kherson, Zaporijjia, Donetsk, Kharkiv, Koursk – a ses propres particularités. De même, la frontière avec la Biélorussie, la zone de Tchornobyl, ou d’autres lieux sont très différents, et une unité qui est efficace dans une zone, ne peut pas se déplacer et être aussi efficace dans une autre le lendemain. Il existe des outils qui fonctionnent dans certaines zones mais pas dans d’autres.
- Revenons au début de l’invasion à grande échelle : quelles étaient les premières directions, les premières missions que vous accomplies ?
- J’étais à la campagne avec ma famille, et lorsque la guerre a commencé, la tension des derniers jours s'est en quelque sorte apaisée, il est devenu clair qu'il ne s'agissait pas d'une sorte de paranoïa du passé, mais que tout se passait exactement comme je comprenais la situation à ce moment-là. Le 24 février, je suis parti pour Kyiv et je suis resté ici, et le 25 février, j'ai été mobilisé pour le service militaire. Première tâche : protéger la chaîne de télévision « Kyiv ». Il y avait des informations selon lesquelles les groupes subversifs de l'ennemi avaient l'intention de s'emparer des stations de radio et de télévision émettant dans les transports en commun et les institutions publiques pour diffuser que « c'est la fin, Kyiv est tombé, le président a capitulé, il n'y a plus d'armée », etc. Mais au bout d'un moment, nous avons été transférés à Pouchtcha-Vodytsia en direction de Mochtchoun. Nous avons utilisé des drones, les dirigeants l'ont remarqué, l'information est arrivée au commandant des forces de défense territoriale, Igor Tantsiura, et il m'a appelé. Nous avons eu une conversation : quelle était la vision, où cela pouvait-il aller et comment cela pouvait-il être développé, que pouvions-nous faire. Grâce à son soutien et à sa compréhension, la première unité spécialisée dans les drones a été créée en février 2022. Il s'agit de la plus grande unité des forces de défense ukrainiennes et d'Europe, le 411e bataillon autonome de drones des forces de défense territoriale. Dès le début, nous avons été donnés les missions immédiatement, car via les actions réelles, nous avons fait preuve que nous pouvions agir respectivement. Il s'agissait de la direction de Kherson, et les premiers équipages s'y sont immédiatement rendus et ont commencé à mener des reconnaissances et à ajuster les tirs d'artillerie. Voici comment notre histoire a commencé.
- Parlez-nous de votre travail dans la direction de Kherson.
- C'était l'époque où l'ennemi sentait déjà que nous l'avions coincé sur la rive du Dnipro, il comprenait qu'il ne pouvait pas approvisionner et entretenir un si petit groupe de troupes, le nombre de ponts était limité. L’ennemi était sous le contrôle partiel ou total des tirs de nos forces. Ils se préparaient déjà à reculer, nous les « poussions » à prendre cette décision, et ils ont compris que c'était maintenant ou jamais, et ils se sont enfuis très rapidement. Ce moment était très fort émotionnellement, lorsque l'ennemi lorsque l'ennemi essayait de s'emparer de quelque chose hier encore, construisait des fortifications, organisait sa défense, et qu'aujourd'hui, ils cessent de tirer et commencent à quitter à toute vitesse notre territoire. C'était très fort sur le plan émotionnel. Après ça, au fur et à mesure que l'unité s'élargissait, d'autres équipages sont apparus et nous avons commencé à travailler dans d'autres unités, dans d'autres zones, notamment Bakhmout, Klichtchiivka, la forêt de Serebryansky.
- Quelle était la période la plus difficile, en quelle direction ?
- Il n'y a pas de période la plus difficile, parce que tout cela n'est pas amusant, nous faisons la guerre sur notre propre terre et nous ne nous réjouissons pas des bons tirs. Nous nous réjouissons que l'ennemi soit détruit, cela nous motive, mais nous comprenons que nous nous battons sur notre propre territoire et qu'il s'agit de nos villages, nos villes, nos ponts, nos écoles, nos jardins d'enfants. Et lorsque je vois des frappes, des destructions, s'il ne s'agit pas d'un équipement ennemi, il y a toujours un arrière-goût désagréable qu'il s'agissait de la maison, de la cabane ou de l'école de quelqu'un.
- Y a-t-il une opération la plus mémorable du bataillon « Yastrouby » dont vous vous souvenez ?
- Nous ne menons pas d'opérations indépendantes aujourd'hui, mais être capable de planifier, de concentrer les forces, de mener des reconnaissances échelonnées et de frapper l'ennemi sont les compétences organisationnelles et techniques très rares de nos jours. Autrement dit, les pilotes peuvent être capables de voler et d’utiliser les drones correctement, le quartier général peut également planifier certains événements séparément, mais on doit savoir l'organiser d'une manière échelonnée, en utilisant différents systèmes, ce qui est le mérite de la commande du bataillon.
- Je sais que vous êtes en train d’évoluer (expansion dans un régiment), parlez-nous en, quels sont vos projets et quelle est la situation en ce qui concerne le recrutement ?
- C'est bien vrai, nous avons reçu une directive du chef des armées pour transformer le bataillon en 411e régiment autonome de systèmes sans pilote. Par systèmes sans pilote, on entend non seulement les aéronefs, mais aussi d'autres types d'équipement que nous utiliserons, de sorte que les spécificités changent un peu et que nous découvrirons de nouvelles façons d'appliquer nos compétences. Oui, il s'agit en effet d'un changement très important, des mesures sérieuses doivent être prises, il s'agit d'une multiplication par plus de trois du nombre de personnes, donc tout le monde doit être sélectionné, formé et ensuite préparé à accomplir des tâches. Nous recherchons des spécialistes dans différents domaines, des cuisiniers aux mécaniciens automobiles, car il y a beaucoup de véhicules, des spécialistes de la communication, des technologies de l'information et d'autres. La spécialité d'une personne n'est pas essentielle, mais c'est son désir d'apprendre et sa capacité à acquérir de l'expérience. Nous prenons en compte les capacités physiques des gens et notre tâche consiste à accomplir la mission le plus efficacement possible tout en gardant les vies humaines. La personne qui rejoint notre unité suit un entraînement militaire général de base conformément aux normes en vigueur. Ensuite, elle suit une formation spécialisée, qui peut durer de 4 à 8 semaines, mais même dans ce cas, la personne n'est pas encore prête pour le combat. Après cela, elle suit... ce que nous appelons l'entrée en situation de combat. En fonction de la personne, cela prend de quelques jours à quelques semaines. Elle travaille avec un équipage expérimenté et est suivie pour voir comment elle réagit aux situations stressantes. Et cela dure jusqu'à ce que nous soyons sûrs que ce petit équipage ou cette personne en particulier est capable d'accomplir des tâches de manière autonome. Il est indispensable que la personne fasse preuve d'esprit critique et d'initiative. C'est très important parce que tout change, et ce sont les gens avec l'esprit d'initiative qui sont les moteurs de ces changements. Ce sont les changements se produisant au sein des équipages qui ont le plus d'impact sur l'issue du champ de bataille.
- À quel point êtes-vous proche de votre personnel ?
- Mon numéro de téléphone est connu de tous. Je dis à chacun que si vous ne parvenez pas à résoudre un problème et votre commandant non plus, contactez-moi, et nous le résoudrons ensemble. C’est une approche humaine envers le personnel, les soldats et les sergents. Je ne trouve pas humiliant de communiquer avec les soldats, de me rendre sur le terrain, d’y être présent de temps en temps, de voir dans quelles conditions les gens accomplissent leurs missions et comment les choses se déroulent réellement. À mon avis, c’est crucial, car certaines tâches sont accomplies, d’autres non ou insuffisamment, et je dois toujours en comprendre les raisons. C’est pourquoi la communication en direct est si importante.
- En ce qui concerne le recrutement, lesquelles sont les raisons de choisir votre régiment aujourd’hui ?
- Tout d’abord, notre unité est chargée de la formation professionnelle de qualité, pas de quantité. L'esprit est notre arme : l’intelligence, les connaissances et les compétences. C’est pourquoi la formation des gens est une tâche importante que nous accomplissons. C’est le point numéro un. Ensuite, c’est la possibilité de mettre en œuvre ses connaissances, ses compétences, ses aptitudes. Nous permettons une approche adéquate de la sélection des positions pour tel ou tel militaire. Il s’agit bien d’histoire, car nous sommes le premier bataillon spécialisé dans les systèmes aériens sans pilote, nous sommes une unité qui a développé certains programmes qui sont désormais utilisés par toutes les forces de défense. Il s’agit d’équipe, où chacun se soutient et apprend à l’autre, où la concurrence n’est que positive, ce qui favorise l’émergence de leaders et professionnels. Toutefois, cela peut être très difficile, parce que ce sont des personnes ambitieuses. Elles ont des ambitions et ont le droit de se prononcer, d’exprimer leur opinion, voire de lа défendre. Ignorer un soldat, un sergent ou un officier n’est donc pas une option. Tout repose sur le dialogue, la recherche des vraies circonstances, des vraies raisons et l’exécution des missions.
- Votre unité est-elle composée principalement de civils ou de militaires professionnels ? En plus, comment coordonnez-vous le travail au sein d’une équipe où nous comprenons que chacun est différent ?
- 95% sont des personnes sans aucune formation militaire préalable. Seules quelques personnes ont déjà servi dans l’armée ou suivi une formation universitaire militaire. Mais, en même temps, tous ont une grande expérience du travail dans des entreprises publiques ou privées, ou de la gestion de leur propre entreprise. Pour que l’unité fonctionne, il est essentiel que chacun comprenne l’objectif à atteindre, le résultat attendu et pourquoi cet objectif est crucial. Ainsi, ignorer certains problèmes ou donner des tâches simplement pour occuper les gens, faire juste pour faire, ne fonctionne pas.
- Nous avons déjà évoqué votre participation à des missions de paix. Quelle est votre opinion sur le déploiement de telles missions en Ukraine ? Actuellement, cette initiative est en discussion parmi nos partenaires européens, mais la décision finale sera prise par l’ONU, qui, comme nous le constatons souvent, exprime principalement son inquiétude...
- Je ne pense pas que ce soit une question militaire, car, comme l’a dit un grand penseur : ne laissez pas une situation être résolue par des moyens militaires, car il n’y aura pas de retour en arrière. Les missions de paix sont une décision politique, pas militaire. Nous saluons les initiatives de nos partenaires internationaux. Nous leur sommes profondément reconnaissants pour l’aide qu’ils nous apportent. Cependant, j’ai l’impression que ce chemin vers notre indépendance, cette lutte pour notre liberté, ne pourra être parcouru ni par des forces de maintien de la paix ni par des contingents étrangers. C’est à nous de le faire. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons en comprendre la valeur et en transmettre le souvenir aux générations futures.
- D’une manière générale, que signifierait pour vous la victoire de l’Ukraine ?
- Nous, les Ukrainiens, avons un profond sens de la justice. Et dans un monde idéal, la victoire serait avant tout le rétablissement de l’intégrité de nos frontières, ainsi que la garantie de la sécurité sur l’ensemble du territoire national : de la Crimée, Louhansk, Donetsk, Kharkiv, Soumy et à tout le long de nos frontières. Et, bien sûr, c’est la croissance économique. Je rêve d’Ukraine prospère, où mes enfants, et tous les enfants, pourront grandir, étudier et construire l’avenir. Un pays européen régi par l’État de droit. Voilà ce que signifie pour moi la victoire.
- Nous espérons que l’Ukraine remportera la victoire dont vous avez parlé le plus rapidement possible.
Nous avons une tradition à la fin de nos interviews : un format rapide de questions-réponses. Je vais vous poser une série de questions courtes, et votre tâche sera d’y répondre brièvement. On commence ?
- Allons-y.
- Une seule personne peut-elle changer le cours de l’histoire ?
- Je crois que oui.
- Votre plus grande peur dans la vie ?
- Être inutile.
- Quel est l’ordre le plus difficile à donner ?
- Pour lequel on n’est pas préparé.
- Quelle est pour vous la plus grande récompense ?
- La gratitude de mes subordonnés.
- La guerre, pour vous, c’est ?
- Le combat ancestral de l’Ukraine contre les hordes.
- Quelle sera la première chose que vous ferez après la victoire ?
- Je partirai loin, pas forcément géographiquement, mais là où il n'y a personne.
- Merci beaucoup pour cet entretien.
Interviewé par Diana Slavinska