Oleksandr Merejko, membre de la délégation permanente de la Verkhovna Rada à l'APCE
De fait, l'APCE a reconnu Poutine comme terroriste
15.02.2025 20:31

La guerre de la Russie contre l’Ukraine est devenue l’un des principaux sujets de la session d’hiver de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), qui s’est tenue la semaine dernière à Strasbourg. Parmi les décisions importantes figure l’adoption d’une résolution réaffirmant l’engagement européen en faveur d’une paix juste et durable en Ukraine, soutenue par 86 députés. Ce n’est pas le premier document attestant le soutien de l’APCE à l’Ukraine. Ukrinform a discuté avec Oleksandr Merejko, membre de la délégation permanente de la Verkhovna Rada à l’APCE et président de la commission de la politique étrangère et de la coopération interparlementaire de la Rada, à propos de la particularité de cette résolution, de ses conséquences pour le pays agresseur, ainsi que de l’apparition des soi-disant opposants russes au Palais de l’Europe.

- La session d'hiver de l'APCE peut-elle être considérée comme un succès pour l'Ukraine ?

- C’était une session très productive et réussie du point de vue de la défense des intérêts de l'Ukraine. L’une des principales missions de la délégation ukrainienne est de veiller à ce que le dossier ukrainien demeure à l'ordre du jour de l'Assemblée et du Conseil de l'Europe dans son ensemble. Lors de cette session, une résolution primordiale concernant l’Ukraine a été adoptée, portant sur des négociations en vue d’atteindre une paix juste. L'une des principales dispositions de ce document est qu'il est impossible de parvenir à la paix et de négocier sans la participation directe de l'Ukraine. C'est extrêmement important.

De plus, je pense qu’il est très important que Poutine ait été reconnu comme un terroriste. En effet, le texte de la résolution stipule que Poutine est responsable de nombreux crimes terroristes commis durant son mandat. Cela signifie donc que le Conseil de l'Europe, qui regroupe 46 États, reconnaît Poutine comme un terroriste. Car celui qui commet des crimes terroristes est, par définition, un terroriste.

- Je voudrais préciser un point à ce sujet. Il me semble que vous avez proposé un amendement au projet de résolution afin de qualifier directement Poutine de terroriste, mais qu’il a été rejeté.

- Au contraire, cet amendement a été approuvé. C’était une histoire très intéressante : j’ai proposé un amendement affirmant que l’APCE reconnaissait Vladimir Poutine comme un terroriste ayant commis de nombreux crimes de terreur et d’autres, et j’ai été soutenu par quatre collègues. Au départ, au niveau de la commission, il n’a pas été intégré au texte. Je me suis alors rendu au secrétariat, que l'on appelle « table office » à l'APCE, et nous avons clarifié la situation. Finalement, l’amendement a pu être intégré, bien que le mot « terroriste » n’y figure pas. Cependant, le texte ne laisse aucun doute : il s’agit bien d’un terroriste. C’est l’essentiel.

Qui est un terroriste ? C’est celui qui commet des actes de terreur et c’est exactement ce qui est mentionné dans la résolution. En fait, on peut dire que l’APCE a reconnu Poutine comme étant un terroriste. Je considère cela comme une réussite, mais j’ai dû me battre pour l’obtenir, en les convainquant pendant plus d’une heure. Ils se sont référés à une règle de procédure stipulant qu'il était interdit d'utiliser des termes portant atteinte à la dignité humaine. Je leur ai expliqué que le mot « terroriste » était un terme juridique international, qu’il existait une série de conventions traitant du terrorisme et que ce terme était également présent dans le droit pénal de nombreux pays. Autrement dit, ce n’est pas une insulte, mais une qualification juridique. Ainsi, nous avons réussi à parvenir à un compromis en notre faveur.

Je pense que c’est une mission cruciale, car elle aura des conséquences considérables. Par exemple, on ne peut pas entretenir des relations diplomatiques et économiques avec un terroriste. Même la possibilité de négocier avec lui est remise en question. Une telle résolution est un outil puissant entre les mains de notre diplomatie. Lorsqu’une organisation internationale regroupant 46 États reconnaît Poutine comme un terroriste, il faut l’utiliser à bon escient.

- En fait, je voudrais poser une question sur l'utilisation de la résolution. Le Conseil de l'Europe en général et l'APCE en particulier sont souvent accusés d'être inefficaces parce que toutes leurs résolutions ont un caractère consultatif. Cependant, il s'agit d'un document international très important. Comment peut-on l'utiliser dans la pratique ?

- Bien qu'une résolution de l'APCE ne soit pas formellement un document juridiquement contraignant, elle a une grande valeur morale et politique. Sur la base de ces résolutions, on peut formuler des lois et mener la politique étrangère. Il s'agit donc de certaines valeurs morales et politiques qui influencent la conscience des gens, l'adoption de lois dans différents pays et la création de traités internationaux.

Par exemple, l'APCE comprend des pays comme la Turquie et l'Azerbaïdjan. Désormais, si Poutine veut les visiter, nous pourrons leur dire : ne le faites pas, ne l'accueillez pas sur votre territoire, parce que vous avez affaire à un terroriste.

- Des représentants de la soi-disant opposition russe ont assisté à certains événements organisés pendant la session de l'APCE. Que pensez-vous de leur présence au sein du Palais de l'Europe ?

- L'APCE a créé une plateforme de contact avec la soi-disant opposition russe ou la société civile russe. Mais en réalité, il n'y a pas d'opposition en Russie et il n'y a pas de société civile, parce que c'est un état totalitaire. Tout y est contrôlé par le dictateur et je remets en question le statut de ces personnes au sein de l'APCE. Je voulais poser ces questions, mais le président de la commission, au cours de la réunion de laquelle des représentants de la soi-disant opposition russe se sont exprimés, ne m'a pas donné la parole. J'en ai été indigné. Kara-Mourza a déclaré que des millions de Russes ne soutenaient pas Poutine et je voulais donc demander : « Qui nous tue alors ? »

- C'est une question pertinente.

- Avant cela, je voulais demander quels critères avaient été utilisés pour sélectionner ces personnes qui prétendaient représenter l’opposition russe. Autrement dit, qui a pris cette décision.

- N’avez-vous pas le sentiment que l’opposition russe, par de telles actions, cherche à assurer sa présence à l’APCE ?

- Depuis longtemps, j’ai remarqué que l’opposition russe était souvent « promue » par les mêmes personnes qui, autrefois, avaient soutenu le retour de la délégation russe. À mon avis, il s’agit d’une tentative d’assurer, d’une manière ou d’une autre, la présence de la Russie à l’APCE. C’est peut-être une stratégie d’apaisement qui était auparavant plus explicite. Je me souviens parfaitement du discours sur la nécessité du dialogue lors du retour de la délégation russe. Avec la société civile, c’est une autre forme (de retour de la Russie à l’APCE), mais plus subtile.

D’ailleurs, je voulais demander pourquoi on s’adressait à l’opposition russe et non aux autres peuples opprimés par la Russie ? J’aimerais voir des représentants de l’Itchkérie à l’APCE, par exemple. Ce sont des gens qui ont combattu avec les armes contre le régime impérial russe.

- Cependant, vous avez commencé par souligner que cette session avait été favorable à l’Ukraine.

- Oui, outre la résolution, plusieurs événements parallèles importants liés à l’Ukraine ont eu lieu. Des soldats ukrainiens libérés de captivité et des enfants y ont participé, ce qui a permis d’aborder la question du retour des enfants enlevés par la Russie. Il est important que le point de vue ukrainien soit présenté lors de ces événements et que les victimes directes de l’agression russe puissent témoigner. L’intérêt pour ces témoignages était immense : la salle était bondée, tant de personnes voulaient les voir, écouter et poser des questions.

En outre, il y a eu d’autres résolutions et débats importants, notamment sur l’ordre mondial. Nous avons essayé d’y intégrer des amendements défendant les intérêts de l’Ukraine. Certains ont été adoptés, d’autres non, mais chaque avancée compte.

Tetyana Passova

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