
Le corps de la journaliste ukrainienne, Victoria Rochtchyna, morte en prison russe en septembre 2024, n'a jamais été restitué à sa famille
Selon l’organisation Reporters sans frontières (RSF), qui a enquêté en partenariat avec trois médias ukrainiens sur les circonstances de la mort de Victoria Rochtchyna, la journaliste avait été détenue dans les conditions inhumaines en absence de soins appropriés, malgré les signes alarmants de la détérioration de son état de santé dès le printemps 2024.
En 2023, Victoria Rochtchyna , reporter freelance et collaboratrice régulière du média indépendant en ligne Ukrayinska Pravda, est dans le sud de l’Ukraine occupée pour recueillir des témoignages des victimes de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie.
Victoria Rochtchynaest rapidement arrêtée, début août 2024, à Enerhodar près de la centrale nucléaire de Zaporijjia, dans le sud de l’Ukraine. Les circonstances exactes de son interpellation demeurent floues. Elle a été « repérée par un drone », selon le principal témoin de cette enquête, qui a passé plusieurs mois avec elle dans les geôles russes. Détenue pendant plusieurs semaines dans un lieu inconnu à Mélitopol, la grande ville voisine aussi sous occupation, elle est ensuite transférée fin décembre 2023 à Taganrog, une ville du sud-ouest de la Russie, dont la prison est tristement réputée pour avoir été transformé en véritable camp de torture pour les Ukrainiens.
Lorsque Victoria y est admise en décembre 2023, elle porte des cicatrices et des entailles sur le corps après son passage dans une prison de fortune à Melitopol. Certaines sont encore fraîches. Dans les premières semaines, elle demande à être entendue par le personnel de Taganrog, en vain. Lorsque, en mars 2024, une délégation locale du Défenseur des droits russe visite la prison, elle est sortie de sa cellule et tenue à l’écart, sans doute pour l'empêcher de poser des questions. A partir de cette période, son état commence à se détériorer progressivement.
Son état se dégrade, mais malgré ses demandes répétées, l’administration pénitentiaire refuse de lui donner des médicaments. Il faut attendre juin pour que la journaliste accède enfin à un médecin pour la première fois. Au bout de quelques semaines, la reporter revient finalement à la prison de Taganrog. Elle est placée à l’isolement mais semble en meilleure forme d’après plusieurs témoignages concordants. Fin août, elle parvient à appeler brièvement sa famille. Le 8 septembre, elle est vue pour la dernière fois dans cette prison. Le 19 septembre, elle est déclarée morte par les autorités russes. Aucune des témoins auxquels RSF a eu accès n’a pu donner plus de détails sur les derniers jours de Victoria Rochtchyna.
A-t-elle été transférée entre le 8 et le 19 septembre ? Si oui où ? Que s’est-il passé dans ce laps de temps? Si la journaliste est morte comme l’annonce la Russie, pourquoi son corps n’a-t-il pas été rendu près de six mois après les faits? Les demandes d’explications envoyées par RSF au ministère russe de la Défense sont restées sans réponse.