Comment la Russie se sert-elle des organisations internationales ?
Pour des organisations internationales, cette année 2019 est marquée par de nombreuses dates anniversaires, comme les 70 ans de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, connus de tous comme l’OTAN.
Peu nombreux sont ceux qui se souviennent que le 1er avril 1954, l’URSS a officiellement envoyé sa candidature afin de rejoindre ce “bloc ennemi”. Dans leur demande, les dirigeants soviétiques ont sollicité les Américains d’accepter trois pays soviétiques à la fois: l’URSS (séparément), l’Ukraine et la Biélorussie (en donnant pour explication que ces deux républiques ont le plus souffert de la Deuxième Guerre mondiale). La réponse de Washington fut prévisible – Moscou a essuyé un refus ferme et sans équivoque. Du moins que l’on puisse dire c’est que les Américains ont fait un bon choix … Avec l’expérience de ces dernières années, c’est avec certitude que l’on peut confirmer que l’initiative de Moscou visant à adhérer en 1954 à l’OTAN avait été correctement traitée à l’époque.
Après tout, l’objectif d’une telle aventure n’était pas la paix et la stabilité sur le continent européen, mais le blocage et la dislocation de l’organisation de l’intérieur. Tout comme aujourd’hui, lorsque la Fédération de Russie transforme le Conseil de sécurité des Nations Unies en une assemblée inutile de ceux qui, pour seule réaction, ne sont que « profondément préoccupés ».
Certains évoquent ouvertement la nécessité de réformer le Conseil de sécurité des Nations Unies en soulignant que la Russie n’a pas sa place dans une telle organisation. La raison est simple: le droit de veto, que Moscou utilise activement, stoppe la plupart des décisions du Conseil de sécurité. Y compris des décisions sur les questions ukrainiennes.
Ainsi, à la fin de l’année dernière, le ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne Heiko Maas, avait de nouveau déclaré que l’Allemagne prétendait être membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, une place qu’elle devrait obtenir suite à la réforme de l’Organisation des Nations Unies.
Deutsche Welle cite les propos du ministre, selon lesquels la structure de l’ONU créée il ya 70 ans est dépassée et que, grâce à la réforme, elle devrait «refléter l’équilibre des pouvoirs dans le monde moderne» en soulignant que la plupart des membres de l’ONU soutiennent l’idée de réforme. “Ce ne sera pas facile, mais nous ne nous lasserons pas de remettre ce sujet à l’ordre du jour”, a expliqué Heiko Maas. C’est également l’opinion d’autres États membres de l’ONU qui souhaitent redonner à l’ONU crédibilité et efficacité perdues.
Considérant l’effet destructeur de la Fédération de Russie sur l’ONU, aujourd’hui le seul organe collectif qui dit clairement NON à Moscou est l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) qui a privé la Fédération de Russie du droit de vote au sein de cette organisation en 2014. A cette époque l’APCE a clairement qualifié d’annexion les actions de la Fédération de Russie en Crimée ukrainienne, et a pointé la responsabilité du Kremlin dans le conflit dans le Donbass à l’est de l’Ukraine. En réponse, Moscou a cessé de verser ses contributions à l’organisation, dont elle est toujours membre. Mais d’après les diplomates ukrainiens qui représentent l’Ukraine à l’APCE, quels que soient le discours et les indignations du pays agresseur, la Fédération de Russie rêve de retourner à la table des négociations européenne et d’annuler toutes les sanctions imposées à son égard. Et ce sont bien des lobbyistes qui devraient aider la Russie à le faire, en modifiant les mécanismes sectoriels de l’organisation.
Comme l’assure un des membres de la délégation ukrainienne à l’APCE, le député d’Ukraine Borislav Bereza, de telles tentatives se poursuivent depuis longtemps. Ainsi, au début avril de cette année, à l’initiative des représentants de l’Allemagne au Conseil de l’Europe, le bureau de cette organisation a approuvé un débat urgent au cours duquel les parlementaires ont été invités à examiner le rapport du délégué néerlandais Tiny Kox, avec une clause visant à priver l’APCE du droit d’imposer des sanctions aux délégations nationales. Compte tenu de l’intention cachée d’une telle aventure, l’APCE a décidé de ne pas modifier le droit de l’organisation d’imposer des sanctions. Cependant, ce n’est que le début… Tant que les négociations autour de cette question sont en cours, il est évident que la présence de Moscou au sein de l’APCE lui est nécessaire pour faire avancer sa vision de la situation, former l’opinion publique en Europe et bloquer toute décision concernant l’Ukraine, ce qu’elle est incapable de faire pour le moment.
La Fédération de Russie avait également démontré son caractère destructeur dans les relations avec l’OTAN. Un des exemples qu’on appelle aujourd’hui “la marche sur Pristina » (cette année cela va faire 20 ans que la « marche » a eu lieu), plus de 200 membres du personnel militaire russe, 15 appareils de déminage et plus de 30 camions du contingent russe de maintien de la paix basé au Kosovo, ont été dépêchés à Slatina. L’objectif principal du groupe de parachutistes était de saisir l’aéroport « Slatina » du Kosovo et de l’utiliser pour transférer un plus large contingent de maintien de la paix dans le pays. Et à l’avenir – « marquer» un secteur du territoire du Kosovo.
Cependant, cette tentative n’a pas eu les résultats escomptés. L’aéroport occupé par des parachutistes russes a été immédiatement bloqué grâce à des équipages de chars britanniques, qui se sont également précipités sur les lieux.
Comme le rappelait dans ses mémoires l’ex-sous-secrétaire d’Etat américain Strobe Talbott, arrivé à Moscou en 1999 pour clarifier la situation sur cette histoire des parachutistes russes – un vrai chaos régnait alors au Kremlin. À l’arrivée d’un haut responsable américain à Moscou, le ministre russe des Affaires étrangères Igor Ivanov, s’est mis à affirmer que « personne n’avait rien traversé et qu’il n’y a aucune « marche » russe ». Ce qui a été confirmé au diplomate américain par le ministre de la Défense de la Fédération de la Russie. Talbott s’est alors rendu au ministère russe de la Défense, où on lui avait assuré la même chose. Mais lorsqu’un assistant a fait irruption au bureau du ministre pour informer le général que CNN émet en direct depuis l’aéroport, avec des troupes russes en gros plan, un silence honteux s’est installé. Constatant que les mensonges ne passent plus, le ministre des Affaires étrangères, dépêché sur place s’est tourné vers Talbott en déclarant : « Je dois vous informer avec regret que le convoi de troupes russes a accidentellement franchi la frontière et est entré au Kosovo. Le ministre de la Défense et moi-même regrettons un tel événement »,
Comme on le voit, le mensonge éhonté est une chose très habituelle pour la Russie, qui n’a pas changé depuis des siècles. Les exemples ci-dessus nous persuadent encore une fois que des pays tels la Fédération de Russie, ne devraient pas être autorisés à s’approcher des organisations internationales. Après tout, l’objectif principal de Moscou, à l’ONU, à l’APCE et dans les autres instances similaires, est de les détruire de l’intérieur ou de les utiliser à leurs propres fins, y compris pour justifier leurs activités militaristes. Alors que ces organisations ont été créés dans un tout autre but… LA PAIX!
Anna Jaillard Chesanovska, Paris