HCR : Le nombre de déplacés dans le monde a atteint un nouveau record
En dépit de quelques signaux encourageants, le rythme et l’ampleur des déplacements forcés à travers le monde prennent encore le pas sur les mesures mises en œuvre pour résoudre les crises de réfugiés, a détaillé le HCR, relevant que le nombre de personnes déracinées avait augmenté de 8% par rapport à l’année précédente. Il s’agit de bien plus du double du chiffre d’il y a dix ans, selon le rapport annuel de l'agence onusienne publié ce jeudi.
D’une manière générale, les déplacements forcés sont notamment engendrés par la violence, les conflits et les persécutions. « Chaque année au cours de la dernière décennie, les chiffres n’ont cessé d’augmenter », a admis le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi.
L’année dernière a été marquée par la multiplication des conflits, qui se sont intensifiés, et par l’apparition de nouveaux conflits. Selon la Banque mondiale, 23 pays - représentant une population totale de 850 millions d’habitants - ont été le théâtre de conflits d’intensité moyenne ou élevée.
Plus de 80% des réfugiés accueillis par des pays en développement
Depuis lors, l’invasion russe de l’Ukraine - qui a provoqué la crise de déplacement forcé la plus rapide et l’une des plus importantes depuis la Seconde Guerre mondiale - et d’autres situations d’urgence, allant de l’Afrique à l’Afghanistan et au-delà, ont fait passer ce chiffre au-dessus de la barre symbolique des 100 millions.
Le nombre de demandeurs d’asile à travers le monde a quant à lui atteint 4,6 millions, soit une hausse de 11%. En 2021, 7 millions de personnes supplémentaires ont été forcées à la migration par rapport à l’année précédente.
Dans le même temps, le nombre total de réfugiés a augmenté en 2021 pour atteindre 27,1 millions. Parmi les pays où ce nombre a particulièrement augmenté, on peut citer l’Ouganda, le Tchad et le Soudan.
Au total, plus des deux tiers (69 %) de l’ensemble des réfugiés provenaient de cinq pays seulement : la Syrie (6,8 millions), le Venezuela (4,6 millions), l'Afghanistan (2,7 millions), le Soudan du Sud (2,4 millions) et le Myanmar (1,2 million).
La plupart des réfugiés ont été, comme c’est souvent le cas, accueillis par des pays voisins ne disposant que de peu de moyens. Plus de 80% ont été accueillis par des pays à revenu faible ou intermédiaire. Selon le HCR, 27% ont trouvé refuge dans des pays figurant parmi les moins avancés.
La crise au Sahel entraîne de nouveaux déplacements au Burkina Faso et au Tchad
Dans l’ensemble, plus de 70 % des réfugiés vivaient dans des pays voisins de leur pays d’origine. Par ailleurs, la Türkiye a accueilli près de 3,8 millions de réfugiés, soit la population la plus importante au monde, suivie par l’Ouganda (1,5 million), le Pakistan (1,5 million) et l’Allemagne (1,3 million). La Colombie a accueilli 1,8 million de Vénézuéliens déplacés à l’étranger.
L’année dernière, le nombre de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays en raison d’un conflit a augmenté pour la quinzième année consécutive, pour atteindre 53,2 millions. Cette augmentation s’explique par la recrudescence des violences et des affrontements dans certaines régions, notamment au Myanmar.
Selon l’Agence de l’ONU pour les réfugiés, le conflit dans la région éthiopienne du Tigré et dans d’autres régions ont poussé des millions de personnes à fuir tout en restant dans leur propre pays. C’est le cas des tensions au Sahel, qui ont également entraîné de nouveaux déplacements internes, notamment au Burkina Faso et au Tchad.
Parallèlement, les pénuries alimentaires, l’inflation et la crise climatique accentuent les difficultés des populations, mettant les acteurs humanitaires à rude épreuve, alors même que les prévisions de financement semblent peu encourageantes dans bon nombre de pays.
Une crise alimentaire pourrait faire augmenter le nombre de déplacés
A ce sujet, le HCR note que la crise relative à la sécurité alimentaire provoquée par la guerre en Ukraine poussera davantage de personnes à fuir leurs foyers dans les pays pauvres, ce qui fera grimper le nombre de déplacés dans le monde.
« Si vous avez une crise alimentaire en plus de tout ce que j’ai décrit - guerre, droits de l’homme, climat - cela ne fera qu’accélérer les tendances que j’ai exposées dans ce rapport », a déclaré lors d’un point de presse, Filippo Grandi, décrivant des chiffres « stupéfiants ».
Plus largement, le HCR craint que les conflits s’enlisent à l’avenir et que les solutions d’accueil durables et décentes n’arrivent plus à suivre. « Soit la communauté internationale se mobilise pour réagir face à ce drame humain, pour mettre fin aux conflits et parvenir à des solutions durables, soit cette tendance dramatique se maintiendra », a-t-il averti.
Pourtant, ce rapport comporte également quelques lueurs d’espoir. Le nombre de réfugiés et de personnes déplacées internes qui sont rentrés chez eux a augmenté en 2021, pour revenir aux niveaux antérieurs à la crise du Covid-19.
Le nombre de rapatriements librement consentis a augmenté de 71%, même si leur nombre absolu reste modeste. « On le voit par endroits - comme par exemple avec la coopération régionale pour le rapatriement des Ivoiriens - mais ces initiatives importantes doivent être reproduites et étendues à d’autres pays », a conclu le chef du HCR.
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