António Guterres appelle à la mobilisation pour affronter les cinq défis : Covid-19, finance, climat, cyberespace et conflits
« Ce n'est pas le moment de simplement énumérer et déplorer les défis. Il est maintenant temps d'agir. Tous ces défis sont, au fond, des échecs de la gouvernance mondiale », a déclaré le chef de l’ONU dans un discours prononcé dans la salle de l’Assemblée générale.
Covid-19
Premièrement, il faut, selon lui, passer en mode d'urgence dans la bataille contre la Covid-19. « Omicron est encore un nouvel avertissement. Le prochain variant peut être pire », a-t-il dit. « Arrêter la propagation n'importe où doit être en tête de l'ordre du jour partout. Dans le même temps, le virus ne peut pas être utilisé comme couverture pour porter atteinte aux droits de l'homme, réduire l'espace civique et étouffer la liberté de la presse ».
Il a rappelé qu’en octobre dernier, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a dévoilé une stratégie visant à vacciner 40% des personnes dans tous les pays d'ici la fin de l'année dernière et 70% d'ici le milieu de cette année.
« Nous sommes loin de ces objectifs. Les taux de vaccination dans les pays à revenu élevé sont sept fois plus élevés que dans les pays d'Afrique. À ce rythme, l'Afrique n'atteindra pas le seuil de 70 % avant août 2024 », a noté le Secrétaire général.
Selon lui, il faut que tous les pays et tous les fabricants donnent la priorité à l'approvisionnement en vaccins du mécanisme de solidarité mondiale COVAX et créent les conditions pour la production locale de tests, de vaccins et de traitements dans le monde entier. Il a aussi appelé à lutter contre le fléau de la désinformation sur les vaccins.
Finance mondiale
Le deuxième défi pour le chef de l’ONU est la réforme de la finance mondiale.
« Disons les choses telles qu'elles sont : le système financier mondial est moralement en faillite. Il favorise les riches et punit les pauvres », a-t-il dénoncé.
Il a noté que les pays à faible revenu connaissent leur croissance la plus lente depuis une génération. L'Afrique subsaharienne pourrait connaître une croissance économique cumulée par habitant au cours des cinq prochaines années inférieure de 75% à celle du reste du monde.
En outre, de nombreux pays à revenu intermédiaire ne sont pas éligibles à l'allégement de la dette malgré la montée de la pauvreté et l'impact croissant de la crise climatique.
« Si nous n'agissons pas maintenant, une inflation record, la flambée des prix de l'énergie et des taux d'intérêt exorbitants pourraient entraîner de fréquents défauts de paiement en 2022, avec des conséquences désastreuses pour les plus pauvres et les plus vulnérables », a prévenu M. Guterres.
Face aux déséquilibres structurels du système financier mondial, il appelle à une réforme de ce système pour répondre aux besoins des pays en développement, par le biais d'un processus inclusif et transparent. « Cela nécessite un examen sérieux des mécanismes de gouvernance financière mondiale, qui sont dominés par les économies les plus riches du monde », a-t-il dit.
La crise climatique
Le troisième défi pour le Secrétaire général est la crise climatique. Selon lui, la bataille pour le maintien de l’objectif de 1,5 degré Celsius sera gagnée ou perdue au cours de cette décennie. « Et nous sommes loin d’être sur la bonne voie. Notre planète s’est déjà réchauffée d’environ 1,2 degré. Les conséquences sont dévastatrices », a-t-il dit.
Il a rappelé que si on veut atteindre la neutralité carbone au milieu du siècle, il faut réduire les émissions mondiales de 45 % d’ici à 2030. « Or, si l’on s’en tient aux engagements actuels, ces émissions devraient au contraire augmenter de près de 14 % au cours de cette décennie. C’est une catastrophe », a-t-il déclaré.
« Cette année, nous avons besoin d’une cascade de mesures. Toutes les économies développées et en développement qui sont de grandes émettrices de gaz à effet de serre doivent en faire beaucoup plus, beaucoup plus vite, pour changer la donne et réduire les souffrances, en tenant compte des responsabilités communes mais différenciées », a-t-il ajouté.
La technologie
Le quatrième défi est la technologie. « La technologie ne devrait pas nous utiliser. Nous devrions utiliser la technologie », a dit le Secrétaire général.
Selon lui, si elles sont bien gérées, les opportunités sont extraordinaires, « surtout si nous pouvons assurer une connectivité Internet sûre et sécurisée ». « Mais le chaos numérique croissant profite aux forces les plus destructrices et prive d'opportunités les gens ordinaires », a-t-il ajouté.
« Nous avons besoin de cadres réglementaires solides pour changer ce modèle économique », a-t-il estimé.
Pour résoudre ces problèmes, il a proposé un Pacte numérique mondial dans le cadre du Sommet du futur en 2023. Le Pacte réunira les gouvernements, le secteur privé et la société civile pour s'entendre sur les principes clés qui sous-tendent la coopération numérique mondiale.
Le chef de l’ONU a aussi proposé un code de conduite mondial pour mettre fin à l'infodémie et à la guerre contre la science, et promouvoir l'intégrité dans l'information publique, y compris en ligne.
Les conflits
Le cinquième défi concerne les conflits dans le monde.
« Nous sommes confrontés au plus grand nombre de conflits violents depuis 1945. Les coups d'État militaires sont de retour. L'impunité s'installe. Les stocks d'armes nucléaires dépassent désormais les 13.000, le niveau le plus élevé depuis des décennies. Les droits de l'homme et l'Etat de droit sont attaqués », a déploré le chef de l’ONU.
« Le populisme, l’hostilité envers les migrants, la suprématie blanche et d'autres formes de racisme et d'extrémisme empoisonnent partout la cohésion sociale et les institutions. Le recul des droits humains – en particulier des droits des femmes et des filles – se poursuit », a-t-il ajouté. « Pendant ce temps, la crise climatique alimente les conflits et intensifie les crises humanitaires. Et le terrorisme reste une menace constante, déstabilisant davantage certains des pays les plus fragiles du monde ».
Il a rappelé que grâce à leurs capacités de maintien et de consolidation de la paix, les Nations Unies soutiendront et protégeront toujours ceux qui sont pris dans les combats, et travailleront à bâtir des communautés plus fortes, plus résilientes et plus pacifiques.
Il a souligné que la prévention des conflits est au cœur du nouvel Agenda pour la paix qu’il propose. Il a rappelé qu’il s’est engagé « à ne ménager aucun effort pour mobiliser la communauté internationale – et à intensifier nos efforts pour la paix », citant l’Afghanistan, la Colombie, l’Éthiopie, Haïti, l’Iran, Israël-Palestine, la Libye, le Mali, le Myanmar, le Sahel, le Soudan, la Syrie, l’Ukraine et le Yémen.
« Ce monde est trop petit pour tant de points chauds. Nous avons besoin d'un Conseil de sécurité uni, pleinement engagé à les résoudre. Les clivages géopolitiques doivent être gérés pour éviter le chaos dans le monde », a déclaré M. Guterres. Il s’est engagé « à faire en sorte que les femmes soient au centre de nos efforts de prévention des conflits, de rétablissement et de consolidation de la paix. Nous savons que les efforts de paix sont plus fructueux et durables lorsque les femmes participent pleinement à la prise de décision, à la médiation et aux processus de paix ».
En conclusion, il a prévenu les États membres des Nations Unies, que la réponse aux cinq urgences qu’il a exposées détermineront l’avenir des personnes et de la planète pour les décennies à venir.
eh